ЭПИЗОД I
LE THÉÂTRE DE RUE
S01E01
Dans une ruelle du Quartier Latin, entre les terrasses bondées et les pavés encore humides d’orage, un homme attire l’attention des familles qui flânent. C’est un Mexicain, chapeau large, guitare en bandoulière, dont la voix résonne plus fort que le brouhaha des cafés. Sa parole n’est pas un simple discours : elle prend la forme d’une incantation.
Il s’adresse aux enfants, mais les parents écoutent aussi, captivés, car ses phrases se découpent comme des vers antiques. Et en espagnol, sa langue natale, il déploie un théâtre fragile et magnifique :
* * *
« Hubo un tiempo, mi gente,
cuando magos caminaban con paso valiente,
y a las brujas se les cerraba la puerta sagrada,
ni templo ni altar les daba entrada.
Mas ahora vivimos en libertad,
democracia canta en cada ciudad,
y tú, pequeño amigo que sueñas despierto,
llevas el futuro en tu pecho abierto. »
La foule suit ses gestes, comme hypnotisée. Les façades parisiennes, avec leurs volets écaillés, semblent se pencher vers le récit. Le parfum du café chaud se mêle à celui des marrons grillés ; la Seine, à deux pas, réfléchit les lampadaires comme un manuscrit tremblant.
S01E02
Le Mexicain continue. Sa voix se fait grave, presque liturgique.
* * *
« Antes de brujas, hubo profetas,
hechiceros de palabras secretas.
En Jerusalén al sol candente,
su verso ardía, vivo y presente.
Mas no sabían el día ni la hora,
cuando su canto hallaría aurora.
Por eso escribían con rima y canción,
para cruzar siglos en pura visión.
Y vendrá un príncipe en sueños dormido,
dando a su eco un cuerpo encendido. »
ЭПИЗОД II
LE MIROIR MAGIQUE DE L'ÉLYSÉE
S02E01 : Le Figaro – Émission spéciale, plateau politique
L’ambiance était d’abord sérieuse, presque compassée. Le sujet annoncé : «Pourquoi les hommes politiques moustachus tendent-ils à devenir des dictateurs?» Les chroniqueurs, sourire en coin, citaient Staline, Franco, Saddam Hussein, et même quelques figures plus locales.
Puis, invité inattendu : le Mexicain prophète de rue, celui qui avait déjà fait vibrer les trottoirs parisiens. On croyait à une farce, mais la salle se transforma en théâtre.
Il s’installa, ajusta son sombrero, et plutôt que de répondre à la question, il se mit à chanter.
* * *
«Oh gran príncipe, filo de la historia,
brillante en su plena gloria.
Tus patillas son lanzas de diplomacia,
eco de Pushkin en la distancia.
Desde París hasta Moscú resuena,
una voz que nuevas sendas ordena.
No hay frontera que no tiemble,
cuando tu espejo de fuego se enciende.»
S02E02 : Chronique de l’Élysée – par notre envoyé spécial
Au palais présidentiel, un maître venu d’Orient a apporté son artefact : un miroir enchanté. Ce n’est pas un miroir ordinaire : il ne se contente pas de refléter l’image de celui qui se tient devant lui. Il conserve les reflets, les mélange, et peut même convoquer les échos d’autres miroirs.
Ce soir-là, le précieux objet fut introduit dans le cabinet du Président de la République. Autour de lui, ses conseillers les plus fins, ses analystes les plus rigoureux, et même quelques agents des services secrets, le souffle retenu. L’atmosphère était lourde, comme avant un grand orage.
Le maître s’avança, posa la main avec grâce sur le cadre poli. Alors, le miroir cessa d’imiter la salle. Les silhouettes des ministres s’éteignirent comme des ombres dissoutes. Et soudain, dans la surface brillante apparut le Mexicain, toujours le même, guitare en bandoulière et sombrero éternel. Il chantait ses vers prophétiques, imperturbable, comme s’il avait toujours appartenu aux couloirs du pouvoir.
* * *
«Patillas de fuego, banderas del viento,
guardan la patria en su firmamento.
No son adornos, ni juego, ni azares,
son llaves secretas de nuevos altares.
En cada mejilla navega la historia,
capitán francés coronado de gloria.
Y hasta la Casa Blanca susurra temblando:
la era de Francia se va revelando.»
S02E03 : Chronique imaginaire de Paris
Le Président de la République convoqua un conseil extraordinaire des ministres. La décision tomba, solennelle, quasi impériale : chaque sujet de l’Empire français devra recevoir un miroir magique, dans lequel se reflétera l’image du chef de la Cinquième République.
Les chroniqueurs parisiens hausseront les épaules, moitié moquerie, moitié gravité : «Il se passe quelque chose d’énorme, mais hormis le Président, personne ne saisit vraiment quoi.»
Et déjà, les camions ministériels parcoururent le territoire. Dans les universités, les écoles, les hôpitaux et les casernes, on installa des miroirs étincelants. Pendant que l’Angleterre prenait le thé, la France entière contemplait son reflet. Ou plutôt, non pas son reflet… mais celui de Macron.
Le visage apparut, impeccable, porté par la technologie la plus subtile. Et d’une voix douce et grandiloquente, l’image s’adressa à la nation :
«Chers compatriotes, mes amis. Aujourd’hui, la France se trouve comme toujours à l’avant-garde technologique, pour la prospérité de notre patrie, héritière d’une grande histoire et d’une culture transmise par nos prédécesseurs, qui nous regardent fièrement à travers les siècles…»
Mais soudain, l’inattendu. Dans le miroir, juste derrière le Président, se dessina un sourire suspendu : un chat de Cheshire, fantomatique. Il glissait d’un côté, puis de l’autre, comme s’il cherchait le centre de gravité de la République. Puis d’un mouvement vif, il tourna sur lui-même, bondit, et se mit à tourner en cercle autour du Président.
La salle chancela, la magie éclata, et d’un souffle, ce ne fut plus le chef de l’État. À sa place, dans le miroir, apparut le prophète mexicain, sombrero sur la tête, guitare en bandoulière. Il entonna alors sa chanson prophétique, comme si l’Élysée n’avait jamais appartenu qu’à lui.
* * *
En la noche dorada del viejo palacio,
Napoleón III despierta de un sueño extraño:
un futuro brillante, lleno de reflejos,
donde un espejo mágico guarda los secretos.
Con paso solemne, entra en la sala presidencial,
rompe el silencio del gabinete oficial:
—Cada imagen debe ser majestuosa y cierta,
como un cuadro solemne en sacros salones del palacio,
donde el Presidente guía a los más altos y poderosos huéspedes,
mostrando la gloria de Francia como un tesoro intacto.
El Presidente suspira, prudente y severo:
—Estamos en otro siglo, señor viajero.
Hay nuevas reglas, un orden mundial,
con armas atómicas y poder digital.
La diplomacia exige mesura y paciencia,
no basta el orgullo, ni la impaciencia.
Del espejo responde el emperador vivo,
como si el lienzo cobrara brío:
—¡El siglo nuevo pide audacia, no espera!
Las dudas se aprenden, la historia se altera.
El error es camino, no simple condena,
se avanza en la lucha, se adapta la escena.
El Presidente insiste, con gesto de razón:
—ONU, tratados, la desglobalización.
La inteligencia artificial dicta futuro,
ya no se gobierna con sable y orgullo.
Pero Napoleón sacude la cabeza altiva,
como si la modernidad fuera evasiva:
—Soy de otro tiempo, lo reconozco,
no sé de algoritmos ni del riesgo atómico.
Mas conozco la historia y su revolución,
la chispa que enciende pueblos y nación.
Bonaparte irrumpió en el comité de poder
no porque un libro así lo quisiera poner,
sino porque fue creador de destino,
y no un lector tímido del camino divino.
Y el espejo brilló con destellos ardientes,
como si el pasado y el presente fueran corrientes.
La sala entera vibró en tensión,
entre la prudencia y la proclamación.
S02E05
Monsieur Macron s’éveille dans son lit présidentiel, au cœur de l’Élysée. Première pensée, un soupir à demi-prière : «Mon Dieu, faites que ce ne soit qu’un rêve.» Mais hélas non. Déjà son fidèle assistant entre discrètement, apportant le café du matin et un iPad brillant d’actualité.
Sur l’écran s’affiche le nouveau numéro de la Gazette Fabergé. Quel progrès, quelle audace : un journal venu tout droit de Tsarskoïe Selo. Les lettres bondissent toutes seules, les photos respirent. Et soudain, miracle ou cauchemar : le Mexicain apparaît, guitare en main, mais presque en chair et en os. Il chante, il danse, il s’adresse au palais.
* * *
— «Ô seigneur des salons de l’Élysée,
laissez donc passer un pauvre troubadour fatigué !
Un sac de couchage j’ai déjà, je n’exige pas de draps,
donnez-moi juste la salle Napoléon III pour la nuit…
Je promets de ne pas ronfler plus fort que vos débats ministériels !»
Le Président demeure bouche bée. Il jette un regard implorant à son assistant, comme pour dire : «Expliquez-moi, au moins par un clin d’œil, ce que tout cela signifie.» Mais l’assistant détourne les yeux, comme si les clauses de sa fiche de poste ne couvraient pas la gestion des apparitions mexicaines dans la presse animée.
Monsieur Macron, malgré lui, fixe encore la danse du musicien miniature. Dans son trouble, il renverse sa tasse. Et soudain — ô stupeur ! — le café ne tache pas l’écran, mais glisse à travers comme par une lucarne invisible. Car ce n’est pas une vitre… mais une petite fenêtre ouverte dans la Gazette.
De l’autre côté, une main passe furtivement, cherchant presque une poignée de sucre. Le Mexicain rit aux éclats et reprend sa chanson moqueuse :
«Si supiera Macron que mi mano manchada
mueve mil maracas mientras muerde magdalenas,
más de mil ministros mirarían mareados
mis maneras mágicas, mis máscaras marcadas.
Porque patillas pulidas presumen presidencia,
pero pregunto, presidente, ¿protesta profunda
o puro peinado parisino para presumir en prensa?
Pues si el bigote de mi vecino varón
vale voto en Versalles o voz en Viena,
yo vendo veinte versos veloces,
vuelvo, vuelo y vuelco la vieja verdad:
¡que un reflejo refleja reflejando reflejados reflejos,
y en el espejo espejeado España y Francia
se enredan en risa rápida, rara y rabiosa!»